SERIE – LES INGREDIENTS ANIMAUX EN PARFUMERIE : LE MUSC TONKIN -1

SERIE – LES INGREDIENTS ANIMAUX EN PARFUMERIE

2 – À LA RECHERCHE DU MUSC TONKIN – Première partie

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Le musc Tonkin, anciennement produit phare de la parfumerie et l’un des plus coûteux (plus de 100 000 e le kg),  est une sécrétion odorante  qui provient d’une glande abdominale, située sous la peau,  entre le nombril et les organes sexuels du chevrotain porte-musc mâle. Très primitif, de 10 à 12 kg,  sans bois, reconnaissable à sa paire de longues canines recourbées vers le bas lui servant à gratter la neige et la glace, cet animal est originaire d’Asie. Il vit, au-dessus de 1600 m,  sur les montagnes et les hauts plateaux boisés de l’Himalaya, du Tibet, de l’Afghanistan, du Viêt-Nam, du Népal, du sud de l’Inde, de la Mandchourie, de la Mongolie et de la  Sibérie. En juillet, ce ruminant produit une sécrétion liquide qui, en décembre, pendant la période du rut, se transforme en grains ayant la texture du café moulu. C’est là le musc véritable. Sa qualité augmente avec l’altitude à laquelle se trouve l’animal. Une poche de 20 à 30 grammes en contient de 10 à 20 grammes. Ces poids doublent à l’âge adulte. En moyenne, quarante poches, au moins,  sont nécessaires à l’obtention d’un kilo de musc. L’odeur fécale et de sang est suffocante mais après vieillissement du produit, elle s’affine, et prend une note  animale, légèrement aminée, très persistante.

Particulièrement  apprécié pour conférer force et sensualité aux parfums, le musc est aussi, depuis des siècles, présent dans la pharmacopée. En Asie, c’est un aphrodisiaque et un vasodilatateur qui a été employé comme abortif (la femme qui voulait avorter ingérait du musc qui faisait saigner la paroi de l’utérus et chassait le foetus). Au Japon, principal utilisateur, il est toujours considéré comme un puissant virilisant.

Connu en Europe dès le IV e siècle, très apprécié des Arabes qui en feront un symbole des senteurs paradisiaques au point de l’intégrer parfois comme à Kara Arned ou  à  Tabriz, en Iran, au mortier des mosquées, il a été très tôt l’ objet d’un fructueux trafic international.

Son commerce atteint son apogée au début du XXe siècle. La Chine et le sous-continent indien exportent alors près de 1400 kg de musc chaque année malgré une consommation locale importante. Les réunions internationales sur la protection des espèces menacées ont mis en lumière que « ce niveau d’échange élevé a probablement eu des effets extrêmement négatifs  sur les populations de chevrotains porte-musc, qui n’ont plus jamais atteint leurs niveaux d’avant 1900 ». À cette époque, Houbigant, Lubin, Gellé frères, proposent de nombreux articles dont des savons renfermant des grains de musc, préparés plusieurs mois à l’avance, pour que la pâte puisse exhaler l’odeur animale, douce, légèrement aminée et  très persistante. 

Au cours du XXe siècle, la demande de musc n’a cessé d’augmenter. Dans les années 60, de 200 000 à 300 000 animaux étaient tués tous les ans et entre 1950 et 1970, près de 1500 kilos de musc étaient prélevés chaque année sur les chevrotains de trois provinces du sud-ouest de la Chine. Au début des années 80, le prélèvement de musc dans ce pays  était estimé à 2000-2500 kilos  et a eu des effets dévastateurs sur les populations des chevrotains porte-musc. Dans la seule province du Sichuan, 100 000 d’entre eux ont été abattus en 1980.

A SUIVRE….partie 2 à venir