Libération 10 juillet 2014 :  Bain dis donc ! par Marie-Joëlle Gros 

10 juillet 2014 :  Bain dis donc ! par Par Marie-Joëlle Gros— 

BAIN DIS DONC ! La trempette, tour à tour objet de plaisir ou de défiance au fil de l’histoire de France, fait l’objet d’une exposition au Musée international de la parfumerie, à Grasse.

En attendant les salles de bain qui arriveront après la Seconde Guerre mondiale, on se lave le plus souvent dans la cuisine. Cette affiche de 1920 illustre l’usage du tub, une bassine plate venue de Grande-Bretagne beaucoup plus facile à déplacer qu’une baignoire. Photo Collection musée d’Art et d’Histoire de Provence. Grasse

Buller, pour de bon. Dans les vapeurs parfumées de sa baignoire, écraser des bulles de savon d’un orteil. Un thé ou un cocktail posé sur le rebord, feuilleter un magazine. En profiter pour téléphoner. Inviter sa moitié ou son enfant à partager cette eau mousseuse. Jouer. S’offrir une cigarette. Grignoter quelques fruits avant de passer au shampooing… On peut faire beaucoup de choses dans un bain en dehors de sa toilette. A ce titre, cette trempette est restée une occupation quasi aristocratique. C’est ce que l’on constate en visitant l’expo «Bains, bulles et beautés», au Musée international de la parfumerie, à Grasse (Alpes-Maritimes).

Le bain sert l’oisiveté ou, du moins, la détente, mais aussi la sociabilité, voire la représentation. La douche, elle, a toujours eu un lien plus direct avec le nettoyage. Elle est efficace avant tout. Objets, gravures et odeurs à l’appui, cette expo d’été et son très riche catalogue font la démonstration que la toilette à la française a beaucoup évolué à travers le temps, tout comme notre rapport à l’eau.

De l’Antiquité au XVe siècle, on s’est beaucoup baigné. Puis, plus du tout pendant une longue parenthèse de trois siècles. Et à nouveau, et de plus en plus, jusqu’à prendre au minimum une douche par jour et rêver de passer ses vacances au spa. En toile de fond, le Musée international de la parfumerie en profite pour conter l’histoire du savon et des eaux parfumées, mettant le patrimoine grassois à contribution. Les nez curieux peuvent compléter cette visite au musée par celle de son conservatoire des plantes à parfum, jardin odoriférant de deux hectares, situé à Mouans-Sartoux, à quelques minutes en voiture.

Cette histoire française, tous les Européens ne la partagent pas. Les peuples germains ont continué à apprécier l’eau. Du coup, quand Marie-Antoinette arrive en France, elle est atterrée. En Autriche, elle se baignait chaque jour, pas question d’y renoncer.

Elle se fait aménager une pièce de bain à Versailles, pratique six toilettes quotidiennes plus ou moins importantes, souligne Annick Le Guérer anthropologue spécialiste des odeurs.

En grande partie grâce à cette Autrichienne, le bain revient dans les rituels de la haute société. L’abbé Vermond, lecteur et familier de la reine, donne ainsi audience aux évêques et ministres dans son bain. Marat, lui, se baigne pour soigner une vilaine maladie de peau. C’est l’autre dimension du bain : thérapeutique. Mais sa baignoire devient aussi son cercueil puisqu’il y est assassiné le 13 juillet 1 793 par Charlotte Corday. De quoi accréditer la thèse d’une pratique potentiellement funeste ? LIRE L’INTEGRALITE DE L’ARTICLE

«Une histoire de la toilette et du savon, du XVIIIe au XXIe siècle», jusqu’au 30 septembre. Rens. : Museesdegrasse.com