29 Juin 2012 : De Cléopâtre à nos jours : le parfum, histoire d’un mythe
De Cléopâtre à Napoléon, en passant par Marie-Antoinette trahie par l’odeur de jasmin, le parfum connait une histoire nourrie de mythes et de légendes. La séduction, la purification, ou encore le fétichisme accompagnent l’usage du parfum depuis la Grèce antique. Mais alors, comment expliquer cette vieille et persistante fascination envers ce philtre d’amour?
Une histoire «empreinte de fétichisme et de séduction»
Si le mot «parfum» n’apparait qu’au XVe siècle, des matières premières brutes existaient déjà à l’Antiquité pour la vénération des dieux. «A ses origines, c’est un substitut du sang doté de grandes vertus curatives, protégeant de la mort et des maladies», explique à l’AFP Annick Le Guerer, anthropologue et historienne («Le parfum des origines à nos jours», éditions Odile Jacob). En Grèce antique, la magicienne Médée faisant rajeunir le vieux roi Eson en: « lui ouvrant la gorge pour remplacer son sang anémié par un parfum puissant».
Le parfum devient alors peu à peu un philtre d’amour. Pour reconquérir Marc-Antoine, Cléopâtre fait parfumer les voiles du vaisseau sur lequel elle part le retrouver. «Le vent était malade d’amour», écrira Shakespeare plus tard, s’inspirant de cet épisode.
Elisabeth de Feydeau, historienne et auteur d’une anthologie du parfum («Les parfums» éditions Robert Laffont), estime que l’histoire du parfum est «empreinte de fétichisme et de séduction, comme un hommage aux quatre S: sang, sueur, sperme, salive, conducteurs d’odeurs intimes qui provoquent l’accouplement».
Du moyen-âge à Napoléon: le parfum au coeur de l’hygiène
Le premier parfum à base d’alcool connu en Occident est «l’Eau de la reine de Hongrie» (1370). Cette eau à base de romarin aurait fait rajeunir la reine, demandée en mariage à 75 ans par un très jeune roi de Pologne.
Au moyen-âge, la religion provoque une diminution importante de l’emploi du parfum. On l’utilise alors pour lutter contre l’air putride, la peste et le choléra en suspendant notamment dans les maisons des oiselets de Chypre ou de la pâte d’encens. Plus tard, c’est l’huile de jasmin pour ses cheveux qui trahira Marie-Antoinette fuyant les révolutionnaires. Reconnue avec le roi, elle sera dénoncée par le cocher intrigué par cette «odeur de majesté», raconte encore Mme de Feydeau.
Quant à Napoléon 1er, il utilisait jusqu’à 120 litres d’eau de Cologne par mois pour ses vertus hygiéniques selon Annick Le Guerer. Reclus à Sainte-Hélène, il demandera de lui en fabriquer avec les herbes à disposition sur l’Ile.
Malgré 1200 nouveautés chaque année, le parfum fascine toujours
«Si le parfum continue de nous fasciner , c’est qu’il a joué un rôle considérable dans la vie de nos ancêtres», estime Annick Le Guerer dans son livre. Le XXe siècle est aussi une période pleine d’histoires romanesques sur le parfum.
Le «Numéro 5» de Coco Chanel, l’un des plus vendus au monde aujourd’hui encore, est né de son chagrin d’amour après la mort de Boy Capel. Il fut créé «comme une présence-absence pour combler le vide de cet homme», juge Elisabeth de Feydeau. Le 5 sera son chiffre fétiche.
Elisabeth de Feydeau parle également avec vénération de l’Heure Bleue de Guerlain. «C’est un soir de 1911. Jacques Guerlain remonte la Seine entre chien et loup, quand le jour rejoint la nuit formant cette couleur bleu-violet. Les oiseaux sont au bord de l’eau, les feuilles bruissent. Il est en harmonie avec le monde et crée ce grand parfum pour sa femme, Lili».