Nez pour séduire: les constructeurs automobiles ont recours à l’arme olfactive
|03 mars 2015, 14h01|0
Il n’existe pas de fragrance qui fasse vendre à coup sûr une voiture, mais cela n’empêche pas les constructeurs automobiles d’avoir recours à l’arme olfactive en parfumant leurs habitacles et concessions, ou en raffinant la fameuse odeur du neuf.Courbes des carrosseries, volants gainés de cuir, bruits de portes à la fermeture: les visiteurs du salon de Genève cette semaine vont connaître le plaisir des sens, et de nombreux exposants se sont aussi préoccupés de leurs nez. »Lorsqu’on s’approche d’une voiture, son aspect est très important, mais quand on y entre, l’une des premières choses dont on se rend compte est l’odeur ou le parfum de l’intérieur », explique à l’AFP Hartmut Kovacs, responsable de l’équipe chargée de la maîtrise des émissions dans les habitacles chez le constructeur allemand Mercedes-Benz.
Or, l’odorat possède une place à part parmi les cinq sens, note Annick Le Guérer, anthropologue et philosophe, auteur de l’ouvrage « Les pouvoirs de l’odeur » (Editions Odile Jacob): « l’odorat est relié aux zones du cerveau qui sont impliquées dans la mémoire et l’affectivité, les émotions ».Pour Mme Le Guérer, « si vous mettez dans votre voiture des odeurs qui vous rappellent des moments heureux de votre vie, il y a inconsciemment un impact et vous aurez envie de rester dans la voiture ».
Toutefois, « on n’a pas identifié de parfum qui fasse acheter une voiture », tempère Emmanuel Boudard, responsable du « pôle innovation, thermique, habitacle et qualité de l’air » chez le constructeur français PSA Peugeot Citroën.En revanche, « il y a des études qui ont montré que lorsque l’odeur était trop forte, le confort était diminué », souligne Juliette Quatararo, chargée des problématiques d’odeur au sein de PSA.
« Il y a aussi le deuxième aspect qui est la nature (de l’odeur), on va essayer d’éviter que ça sente trop le plastique ou le skaï ».- Parfums « à la carte » – Même objectif pour Renault où « la politique d’odeur est d’en avoir le moins possible dans la voiture », explique-t-on chez le constructeur au Losange.Un travail en amont s’effectue avec les fournisseurs: « nous refusons des pièces s’ils ne peuvent pas atteindre nos objectifs » en terme de neutralité, indique M. Kovacs.
« Il y a des substances très malodorantes qui sont interdites dans les cahiers des charges », confirme Mme Quatararo.Une fois cet obstacle levé, certaines marques ont recours aux parfums dans leurs concessions pour détendre leurs clients potentiels.
« L’aspect olfactif est tout aussi voire plus important que l’aspect visuel puisqu’une odeur qui rappelle des bons souvenirs va motiver les gens à revenir dans un lieu », souligne Cyrille Gerhardt, gérant de l’entreprise « Smell Marketing » qui se spécialise dans cette technique déjà très répandue dans les hôtels ou les magasins de luxe, et qui commence à être développée dans certains lieux automobiles.Mais attention, « vous pouvez avoir la meilleure odeur du monde, si l’aspect visuel ne colle pas parce qu’on ne le soigne pas, si l’aspect sonore ne correspond pas, ça ne va pas du tout être propice à un bien-être du client », ajoute M. Gerhardt en insistant sur la « subtilité » de cet ensemble.
Toujours pour flatter les nez des clients, Mercedes a franchi une étape supplémentaire en proposant en option dans ses voitures un diffuseur de parfums réglable en intensité et « à la carte »: au-delà de la fragrance de cuir attendue dans une auto de grand luxe, rien n’empêche une cliente de parfumer sa limousine Classe S avec du Chanel n°5.PSA, pionnier en France de la personnalisation olfactive des véhicules avec la Citroën C4 il y a dix ans, a prévu de commercialiser en 2016 un diffuseur de parfums et travaille avec des « nez » de la région de Grasse (sud) à élaborer des fragrances pour Peugeot afin de renforcer l’image de la marque qui cherche à monter en gamme, indique M. Boudard, en évoquant des parfums « boisés ».
Mais il s’agit d’un exercice ardu. La réception dépendant de l’expérience de chaque individu, « il n’y a pas de consensus absolu sur les bonnes et les mauvaises odeurs », prévient Mme Le Guérer.