SERIE – LES INGREDIENTS ANIMAUX EN PARFUMERIE
1 – À LA RECHERCHE DE L’AMBRE PERDU
Exclu des formules depuis plus d’une vingtaine d’années, en raison de son coût et des pressions écologiques (ce qui n’a pas lieu d’être car sa collation n’implique nullement la mort du cétacé producteur), l’ambre fait toujours rêver.
Cadeau des mers, âprement recherché dès la période médiévale, pour ses qualités aromatiques, l’ambre gris a joué un rôle phare dans la parfumerie-cosmétique. Notamment dans les compositions de Jacques Guerlain, le célèbre créateur de cette Maison. « Si vous ne mettez pas d’ambre dans Mitsouko, le parfum s’aplatit complètement » rappelle son petit-fils.
Les origines du produit sont restées longtemps mystérieuses. On sait aujourd’hui qu’il provient de la plus grande espèce de cachalot, le Physeter macrocephalus, un animal qui peut mesurer jusqu’à 25 mètres de long. Lorsque les intestins du mammifère sont blessés par les becs acérés des calmars géants dont il se nourrit, les parois digestives sécrètent une substance pâteuse qui se dépose en couches concentriques sur les blessures, avant d’être expulsée naturellement dans la mer.
Les « notes ambrées » chimiques, inaptes à restituer la symphonie polymorphe de l’ambre animal, ne peuvent, évidemment, tout comme ces autres succédanés artificiels que sont les « muscs blancs », combler la demande croissante de produits nobles.
Et, comme le musc Tonkin ( aujourd’hui interdit d’importation car il faut tuer le chevrotin porte-musc pour le récolter), la précieuse excrétion du cachalot, ramassée en pleine mer ou sur les plages de l’Océan Pacifique et de l’Océan Indien, continue d’exercer ses pouvoirs fascinatoires…
Qualifié par les parfumeurs de « Rolls Royce » de la parfumerie, ce produit mythique, brossé par les vagues, confit par le soleil, parfois pendant une centaine d’années, exhale après séchage, des senteurs d’océan, de bois, de thé, d’encens, de confiserie. Les marques, hélas, l’abandonnent même dans les extraits et le remplacent par des notes de synthèse, sans abandonner l’imaginaire qui lui est attaché.
C’est ainsi que lorsque Dior lança MIDNIGNT POISON, élaboré par le grand parfumeur François Demachy, il fut fait mention, dans le dossier de presse, de l’ambrox qui apportait à la rose de l’animalité et « de la force tumultueuse de l’océan, du ressac des mers où l’ambre gris se forme, flotte et erre, attendant qu’on recueille sa manne précieuse »…
Les soins Guerlain SUCCES FUTURE, EXTRAIT AMBRE PURE opéraient un retour au naturel inattendu avec l’ambre jaune, un minéral organique issu de la fossilisation des végétaux et utilisé en joaillerie. Déjà crédité par les Grecs anciens de vertus magnétiques et énergisantes, il fut intégré pour la première fois à la cosmétique.
Dans ce domaine du rêve où nous entraîne l’ambre, Guerlain en retrouvait le chemin en substituant cet « or » terrestre à « l’or des mers ».