THEMATIQUES PERMANENTES CONFERENCES

Vous trouverez ci-après la liste des conférences olfactives permanentes et un résumé par thème. Les conférences peuvent être adaptées aux événements proposés.  ⇒ Me contacter 

Durant ces conférences olfactives, vous seront présentés des parfums de différentes époques, recomposés d’après les formules originales communiquées à Dominique Ropion, grand parfumeur contemporain. Portrait 

©  Les thématiques suivantes sont la propriété d’Annick Le Guérer en tant qu’œuvre de l’esprit originale.


©  LES POUVOIRS DE L’ODEUR

Vous connaissez tous l’histoire de la petite madeleine que Proust, un jour d’hiver, trempe dans une tasse de tisane. Son odeur et sa saveur font ressurgir de façon très concrète et très vivante le village de Combray où il allait passer ses vacances chez sa tante Léonie quand il était enfant. Cette capacité si particulière qu’ont les odeurs de ressusciter le passé dans toute sa fraîcheur est due aux liens étroits que l’odorat entretient avec la zone du cerveau  impliquée dans la mémoire et les émotions.

Cette capacité des odeurs à faire resurgir le passé est utilisée aujourd’hui dans certains services hospitaliers. Mais les odeurs ont encore bien d’autres pouvoir, notamment dans la communication, la thérapeutique, la vie culturelle et artistique.



©  LE PARFUM, DES ORIGINES À NOS JOURS 

Le parfum a été conçu comme la « sueur des dieux », le « sang du Christ » et il était doté de très grands pouvoirs : sacrés, préventifs, curatifs, magiques, séducteurs. Il a joué dans la vie des humains un rôle protecteur essentiel qui hante encore notre imaginaire. Au fil du temps, il s’est coupé de ses fonctions religieuses et curatives. A partir de la fin du XIX e siècle, il a inclus des molécules de synthèse et s’est affirmé comme artistique. Pendant des siècles, de fabrication artisanale, il s’est par la suite industrialisé et dématérialisé (rareté des ingrédients végétaux et rejet des matières animales). Son industrialisation intensive, sa composition essentiellement chimique, les lancements internationaux, l’abaissement des coûts de production, ont considérablement fait évoluer son image. Désincarné, il est devenu un produit abstrait et un objet marketing. Face à la concentration industrielle et aux stratégies de la grande distribution, de nouvelles stratégies cherchent à redonner sa richesse créative au parfum et à en faire toujours un objet de rêve.


©  LES PARFUMS SACRÉS, DE L’EGYPTE DES PHARAONS AUX PARFUMEURS CONTEMPORAINS EN PASSANT PAR LES HÉBREUX, MARIE MADELEINE ET LES ODEURS DE SAINTETÉ

La première fonction du parfum a été d’établir un lien entre les hommes et leurs dieux. Les prêtres égyptiens, les premiers parfumeurs, composaient des fragrances non seulement pour obtenir la protection divine mais pour permettre aux défunts, par les pratiques d’embaument, de devenir à leur tour, des « Parfumés », des dieux et d’accéder ainsi à une seconde vie. C’est Yahvé lui-même, selon l’Ancien Testament, qui donne à Moïse la formule du parfum sacré, brûlé en offrande sur l’autel, et celle de l’huile d’onction sainte dont sont oints le tabernacle et l’Arche d’Alliance. Et, dans le Nouveau Testament, c’est un coûteux parfum au nard que Marie-Madeleine répand sur les pieds du Christ. Le christianisme a reconduit ces pratiques avec les rites de l’encensement et les onctions de Saint-Chrême, tandis que les odeurs de sainteté étaient perçues comme un témoignage de la relation privilégiée que certains ascètes établissent avec Dieu.

Quant à Mahomet, même s’il ne donne pas de recettes de parfum pour communiquer avec lui, il affirme que le parfum a été avec les femmes et la prière, ce qui lui a été le plus précieux sur terre.

Aujourd’hui, après une longue éclipse, l’inspiration spirituelle est à nouveau à l’honneur chez lez parfumeurs. L’Italien Philippo Sorcinelli qui cumule les qualités de fournisseur du Vatican en vêtements et ornements liturgiques et celle d’organiste d’église, en est un exemple. Il créé en des fragrances en adéquation avec sa recherche spirituelle. De nombreux artistes parfumeurs sont en osmose avec un besoin de spiritualité qui fait écho à la formule célèbre attribuée à André Malraux : « le XXIe siècle sera mystique ou ne sera pas ».


©  DES ÉPICES DANS LE PARFUM      

Dès l’Antiquité, les épices ont été des produits ardemment convoités, et cela d’autant plus qu’elles venaient souvent  de contrées lointaines et d’accès difficile. Leur conquête a justifié les  entreprises les plus hasardeuses.

Il faut dire que les épices ont des vertus multiples qui, très tôt, ont été largement exploitées.

Leur rôle n’est pas seulement de relever et de conserver les aliments ou les boissons. Elles ont bien d’autres pouvoirs, notamment celui d’exalter les notes boisées des parfums. Elles sont créditées, en outre, de puissantes vertus thérapeutiques. C’est pourquoi on les retrouve aussi bien dans les parfums médicaux que dans ceux qui sont voués à l’hygiène ou à l’élégance.

Pour les Anciens, les épices, sont filles du Soleil et aujourd’hui, on les considère toujours comme des concentrés d’énergie solaire. Les récits légendaires et botaniques les décrivent comme provenant, le plus souvent,  de terres sèches et brûlantes, sans humidité ni putridité, car soumises à une cuisson solaire intense.

À l’opposé des légumes qui comme la salade sont du côté du froid, de l’humide, du putride, de la mort, les épices se situent, selon le philosophe grec Théophraste, du côté du chaud, du sec et du principe d’incorruptibilité.  Leurs odeurs délicieuses s’expliquent par leur proximité avec le feu solaire. Elles sont au plus près des dieux.


©  LES PARFUMS QUI SOIGNENT DE L’ANTIQUITÉ À NOS JOURS.

Les parfums qui soignent existaient dès l’Antiquité. Ainsi le célèbre kyphi des Égyptiens servait à soigner les maladies pulmonaires, intestinales, hépatiques et à euphoriser et détendre comme le fait le vin mais sans les effets de l’ivresse.

Avec la grande peste de 1348 qui décime le quart de la population européenne, les parfums médicinaux vont encore se développer pour lutter contre les miasmes et la « pestilence ». Dans les jardins des moines et des princes, on cultive quantité d’herbes aromatiques, de fleurs, de fruits qui servent à confectionner les compositions odorantes qui du Moyen Age au XIX e siècle vLont constituer l’essentiel de la pharmacopée. L’idée que « toute la puissance du médicament ne réside que dans son odeur » explique que la pharmacie et la parfumerie soient étroitement liées

En France, la pharmacie et la parfumerie vont se séparer par un décret de Napoléon du 18 août 1810.

Mais après une longue éclipse, le parfum recommence aujourd’hui à retrouver sa fonction protectrice et thérapeutique. Il entre à nouveau dans les hôpitaux et  permet même dans les salles d’opération de diminuer les anesthésiques.


©  LE ROLE PACIFICATEUR DU PARFUM

Les pratiques et traditions qui font ressortir la fonction apaisante et pacificatrice du parfum sont innombrables.

Dès la plus haute antiquité, les parfums résineux brûlés sur les autels étaient censés apaiser le courroux des dieux. Les volutes d’encens s’élevant vers le ciel établissaient la communication entre les divinités et les hommes.

Le mythe grec de la panthère parfumée dont la bonne odeur attire les autres animaux a même été repris et détourné par le christianisme. Pour les bestiaires médiévaux, le Christ surnommé le « oint », le « parfumé » est la « nouvelle panthère » dont la parole odorante attire tous les peuples de la terre pour leur apporter la paix.

Et c’est encore cette fonction  d’harmonie qu’assume le parfum dans d’autres religions, notamment le bouddhisme : celui qui perçoit  les milliers de senteurs du Paradis de Bouddha est réputé accomplir des actions dignes de lui.

Les mêmes pouvoirs sont invoqués dans les relations humaines. On sait que l’odeur de la mère joue un rôle apaisant primordial sur le nouveau né au point que, s’il en est privé, il peut développer des troubles émotionnels et cognitifs intenses.

Au Moyen-Orient,  la pratique traditionnelle qui consiste à asperger d’eau de rose ou de fleur d’oranger l’étranger qui arrive dans la maison est destinée à l’intégrer olfactivement et symboliquement à la famille.

Les bonnes relations diplomatiques ont longtemps accordé une place éminente au parfum. C’est la reine de Saba qui embaume Jérusalem d’une profusion de senteurs lorsqu’elle rend visite au roi Salomon. C’est le calife Haroun Al- Rachid qui envoie à  Charlemagne les plus précieux parfums de Bagdad. C’est encore le roi Baudoin de Jérusalem qui fait parvenir à l’empereur Frédéric Barberousse les fameuses pommes de senteurs qui connaîtront un succès considérable en Occident.

Dans nos sociétés modernes souvent marquées par la violence des rapports humains, le parfumage d’espaces publics comme les parkings vise au-delà du confort olfactif à faire baisser l’agressivité ambiante.

Mais s’il ne fallait retenir qu’une pratique symbolique du pouvoir pacificateur accordé au parfum, je choisirais sans doute celle « du pacte des parfumés »  en usage chez les Arabes préislamiques : en plongeant leurs mains dans le parfum, les participants s’engageaient solennellement à des relations pacifiques.


©  L’ÉGYPTE, BERCEAU DE LA PARFUMERIE

La parfumerie occidentale a ses racines dans celle du monde gréco-romain qui est fille de la parfumerie égyptienne. Considérés comme les maîtres incontestés de cet art, les Égyptiens l’ont profondément marqué de leur empreinte. L’ « anti », parfum primordial est pour eux la « sueur des dieux » et c’est la science des embaumeurs qui assure le passage du défunt dans une autre vie en faisant de lui un « parfumé ». Mais cette culture du parfum déborde largement le domaine du sacré pour s’étendre à la vie quotidienne. Dès les premières dynasties, palettes à fard, pots et vases à onguents, fioles à parfum, font partie des mobiliers funéraires qui recréent autour des défunts les conditions de leur vie terrestre. En terre cuite, ivoire, diorite, plus tard en pâte de verre, ils attestent d’un raffinement qui culmine avec les délicates cuillères à fard et les balsamaires d’albâtre du Nouvel Empire.


©  LA SPLENDEUR ROMAINE

La Rome impériale du I e siècle après J.-C. n’a plus grand chose à voir avec la ville austère du temps de la République. La vieille cité a considérablement accru sa richesse et goûté aux charmes de l’Orient. Les mœurs ont changé, Rome est agitée par le bruit des fêtes aristocratiques ou populaires et s’étourdit de musique, de jeux et de parfums.

Un quartier entier est occupé par les parfumeurs et leurs boutiques    distribuent aussi bien des parfums venus d’Égypte, de Grèce, d’Asie Mineure ou d’Arabie que des produits confectionnés sur place. Tout se parfume : vins, vêtements, chaussures et jusqu’aux chevaux et  aux chiens.

Naturellement, les cultures florales d’Italie et de Grèce ne suffisent pas à combler les besoins. Rome  doit importer des quantités considérables de matières premières aromatiques de contrées parfois très lointaines.

Mais c’est en vain que l’austère Pline l’Ancien tonnera contre ces folles dépenses annonciatrices, selon lui, de décadence et contre les légionnaires qui se parfument sous leurs casques…


Pomme de senteur tenue au bout d’une chaînette (détail d’un portrait de femme de Nicolas de Neuchatel dit Lucidel)

©  LE PARFUM AU MOYEN-ÂGE

Le parfum au Moyen-Âge a outre sa fonction érotique une fonction hygiénique, thérapeutique, hygiénique et magique.

Les jardins des moines et des princes font une place très importante aux plantes médicinales. Dans ces jardins on cultive quantité d’herbes aromatiques, de fleurs, de racines qui servent à confectionner les compositions odorantes pour protéger des maladies, soigner les malades.  Au XII e siècle l’abbesse Hildegarde de Bingen décrit plus de 300 plantes médicinales

La technique de la distillation va permettre l’arrivée de la parfumerie alcoolique plus légère.  L’EAU DE LA REINE DE HONGRIE qui apparait en 1370 en est un célèbre exemple.

Les produits animaux : musc, ambre, civette sont très utilisés et entrent dans la confection des POMMES DE SENTEURS.

La condamnation de l’eau dans la toilette avec l’arrivée de la grande peste noire qui décime l’Europe va conduire à la remplacer par le parfum- d’où son rôle hygiénique.

Parfums aphrodisiaques et « pour faire aimer » comme le DIASATYRION prétendent  aussi  devenir les agents d’une véritable capture sensuelle et  amoureuse, des pièges aromatiques qui enserrent inexorablement leurs proies.


©  LES PARFUMS À LA RENAISSANCE

À l’époque de la Renaissance, les techniques de distillation progressent et permettent l’amélioration des eaux de senteurs.

Après les expéditions de Christophe Colomb, Vasco de Gama, Magellan qui ouvrent de nouveaux circuits et rapportent des produits aromatiques inédits comme la vanille et le copal du Mexique, la fève tonka de Guyane et du Brésil, le baume de tolu, le baume du Pérou,   le benjoin de Sumatra, le commerce maritime se développe. Il est désormais possible de  se fournir plus facilement et plus abondamment en produits exotiques comme les épices.

Cette multiplication des produits aromatiques est d’autant plus importante que c’est à cette époque que les parfums vont être amenés à remplacer complètement l’eau dans la toilette.

Le grand humaniste hollandais Érasme, un moment conseiller de l’empereur Charles Quint, note  que les bains publics, si en vogue dans le Brabant, il y a encore vingt-cinq ans, sont désormais complètement désertés. De nombreuses voix, dont celle d’Ambroise Paré, s’élèvent pour réclamer des mesures autoritaires de fermeture des étuves publiques. Dès 1538, François 1er ordonne la destruction d’un grand nombre d’établissements et les Provinces suivent, parfois avec quelque retard, l’exemple de la capitale. C’est ainsi qu’à Dijon, les étuves sont fermées par une décision du 9 août 1566. La fin du XVI e siècle voit donc le dépérissement d’une pratique d’hygiène essentielle héritée de l’Empire romain.

Tous ces éléments vont être favorables à l’apparition de nouvelles « eaux de senteur » et de quantité d’autres produits parfumés comme les GANTS PARFUMÉS, venus d’Italie qui tient le premier rôle dans la parfumerie à cette époque, et les OISELETS DE CHYPRE.


Louis XIV

©  LES PARFUMS AUX XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES

Période capitale pour la parfumerie française que celle qui couvre les XVIIe et XVIIIe siècles. Elle voit la profession se structurer au sein de la puissante corporation des gantiers-parfumeurs. La production des eaux de senteur se diversifie et prend une ampleur considérable soutenue par un rayonnement culturel qui, depuis Versailles, donne le ton à toute l’Europe.

Une profusion de fragrances  imprègne littéralement la société. Cette imprégnation touche aussi bien les pratiques d’ hygiène publique  que la toilette et la beauté au sens le plus large du terme. Elle va de la désinfection des maisons, au lavage du corps et au parfumage du chapeau jusqu’aux chaussures en passant par les chemises, les pourpoints et tous les accessoires de l’élégance : perruques, mouchoirs, objets de toilette, éventails, bijoux, gants. Louis XIV, surnommé par son parfumeur Martial, le « plus doux fleurant » était passionné par le parfum avant de lui devenir allergique et  fera tout pour favoriser son développement.

Des notes riches et puissantes en vogue sous son règne, on passe à des fragrances fraîches et revigorantes, symbolisant les aspirations nouvelles pour la légèreté. En même temps, on assiste à une véritable explosion artistique des flacons, inspirée par la sensibilité  bucolique mise à la mode par Jean-Jacques Rousseau.


©  LA RÉVOLUTION DE LA SYNTHÈSE 

Dès 1837, Balzac campe avec César Birotteau, un parfumeur ambitieux et novateur qui fait appel à un chimiste pour construire sa réussite. Mais c’est dans la seconde moitié du XIX e siècle que la synthèse des molécules odorantes révolutionne véritablement le monde de la parfumerie. Élargissement de la palette du créateur enrichie de senteurs inconnues dans la nature, transformation du métier de parfumeur qui devient plus scientifique et plus intellectuel, industrialisation et démocratisation des produits, sont à mettre à son actif. Revers de la médaille, elle engage également la parfumerie dans une logique de production de masse qui s’impose souvent au détriment de la qualité et surtout de l’originalité. Aggravés par la mondialisation, ces processus d’uniformisation et de banalisation des « jus » contrastent avec le maintien d’une présentation de haut niveau. De François Coty qui confiait à René Lalique et Draeger le flaconnage et le cartonnage de ses produits, à Jeanne Lanvin qui demanda à Armand Ratteau de dessiner la boule de verre noire émaillée d’or d’Arpège ou à Schiaparelli pour qui Salvador Dali conçut le flamboyant réceptacle du Roy Soleil, les grandes marques ont toujours privilégié ce lien visible avec le luxe même si trop souvent aujourd’hui la beauté du flacon n’est plus que le moyen de faire oublier la disparition de l’ivresse.


Débarquement de Christophe Colomb à l’île San Salvador en 1492 et prise de possession au nom des rois catholiques.

©  PARFUMS D’AMERIQUE

Les premiers parfums des Amériques sont parvenus en Europe, à la fin du XVe siècle, après la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb. Ce navigateur d’origine génoise, financé par la reine de Castille, à la recherche d’une nouvelle route vers les Indes, atteint, en 1492, les Grandes Antilles. Il effectue ensuite une série de traversées qui inaugurent des échanges suivis avec l’Europe. Des produits aromatiques inédits vont enrichir la parfumerie et la pharmacopée : vanille et copal du Mexique, fève Tonka de Guyane et du Brésil, baume de Tolu, baume du Pérou. S’y ajoutent le cacao, et surtout le tabac, dont les propriétés surprennent assez Christophe Colomb pour qu’il y fasse référence à plusieurs reprises dans son journal de bord. Arrivé en France dans la seconde moitié du XVIe siècle, le tabac connait un succès rapide. Crédité de nombreuses vertus thérapeutiques, il est couramment aromatisé au jasmin, à la rose, à la bergamote, à l’ambre, au musc à la civette, à l’oeillet, aux fleurs d’oranger, à la tubéreuse, à la jacinthe, aux violettes, au muguet, à la cassie, à la cannelle, au benjoin, au labdanum. Le chocolat, introduit lui aussi dans la parfumerie et la pharmacie, sera également renforcé de cannelle, vanille, eau de fleur d’oranger, poivre du Mexique, clou de girofle, ambre, musc…
Les parfumeurs modernes ont intégré tabac et chocolat dans leur orgue à parfums.
Aujourd’hui, de très nombreux ingrédients aromatiques venant des Amériques viennent encore enrichir la palette du parfumeur : tangerine des USA, baies roses, cascarille du Pérou, castoreum, fir balsam, pin, sapin et bouleau blanc du Canada, baume de Copaïba et de Copahu, lemongrass du Brésil, gayac du Paraguay, orange du Mexique, styrax du Honduras.
Le parfumeur compositeur accorde ces notes odorantes avec d’autres venues de tous les continents. Dès le XIXe siècle, le grassois Léon Chiris, s’ était attaché avec un très grand succès à cette collecte. Le parfum exhale à travers la multiplicité géographique de ses composants un formidable message de concorde et de paix.


©  LE  PARFUM, OBJET CULTUREL ET  MIROIR DE LA SOCIÉTÉ

Si le parfum qui traverse le temps  continue  de nous fasciner,  malgré la surabondance des lancements, c’est parce qu’il a joué et continue de jouer dans la vie des humains un rôle considérable. Loin d’être le « luxe le plus inutile de tous  » comme l’affirmait  le naturaliste latin Pline l’Ancien, le parfum est révélateur de la société qui le produit. Il en reflète les valeurs, les problèmes, les évolutions.

L’Égypte pharaonique où la religion et la croyance en une vie après la mort dominent toute la vie sociale, en fait la « sueur des dieux » et les rapports organiques, charnels, humoraux qu’il entretient avec eux sont fortement affirmés dans les rituels funéraires qui divinisent  le défunt en faisant de lui un « Parfumé ». Le parfum est certes un acteur des plaisirs et des fêtes, mais ces fonctions sont bien accessoires au regard de celles qu’il tient de sa nature divine : purifier, protéger, régénérer, guérir, « enchanter le coeur des dieux ».

Dans l’Europe du XVI e et du XVII e siècles, parcourue d’épidémies incessantes, gants parfumés, sachets odorants, pommes et vinaigres de senteurs sont les moyens d’une élégance prophylactique, répondant à la hantise de la contagion par le contact de l’autre ou l’air pestilent.

Rien d’étonnant  donc si les parfums actuels sont à l’image des problèmes ou des aspirations du monde contemporain. Opium, Kif   ou  Haschich  résonnent en écho à la montée du phénomène de la drogue, CK One, avec son flacon minimaliste, au désenchantement, aux difficultés d’insertion sociale de la jeunesse et à la brutalité des mœurs. La vogue des parfums sucrés et « cocooning » s’inscrit dans un contexte d’anxiété face aux aléas économiques, aux menaces terroristes et exprime le besoin de se créer une petite bulle rassurante d’où l’on puisse voir la vie en rose. Bois d’Encens, La Liturgie des Heures, Eau des Missions, Odeurs de Sainteté, font écho au  retour du religieux.  

Produit de luxe ou de grande consommation, le parfum est aussi un miroir de la société.

Au cours des siècles, l’évolution des techniques, des fonctions du parfum,  l’arrivée de la chimie dans la parfumerie, l’introduction du marketing, la mondialisation, ont profondément modifié la production et l’image du parfum sans néanmoins détruire l’imaginaire dont il est porteur.


Dunes de sable dans le désert de Karakum au Turkménistan

©  LE PARFUM ENTRE ORIENT ET OCCIDENT

Au cœur du désert turkmène, région que l’on pensait n’avoir jamais abrité de civilisation, des archéologues ont découvert  les traces d’un peuple raffiné qui prenait soin du corps et utilisait, 5000 ans avant J. C., des pots à onguents. Une découverte qui fait remonter plus loin encore dans le temps l’usage des parfums et produits de beauté dont on a en Inde, Mésopotamie, Égypte, de nombreux vestiges. L’archéologie suggère donc que c’est vers l’Orient qu’il faut se tourner pour trouver les racines d’un art qui s’est épanoui en Europe à l’époque moderne. 


©  DE L’ÉGYPTE DES PHARAONS À LA NAVETTE SPATIALE : LA ROSE DANS TOUS SES ÉTATS 

Cultivée en Chine et en Perse depuis 5000 ans, la rose contient plusieurs centaines de molécules odorantes exhalant différents parfums. La complexité et la richesse de sa senteur, plus encore que chez les autres fleurs, l’ont rendue précieuse au parfumeur. Tout au long de l’Histoire, la rose entre dans quantité de préparations : cônes parfumés   égyptiens portés durant les banquets, attars orientaux , préparations thérapeutiques de la duchesse de Bourgogne,   pommes de senteurs pour lutter contre la peste, parfums de Marie Antoinette etc…Plus tard, Jean Patou l’a magnifiera dans son célèbre JOY, le parfum le plus cher du monde, et IFF l’a cultivera même dans une navette spatiale…


©  L’ODORAT, LE SENS DU FUTUR

Hier tabou, l’odorat est aujourd’hui d’actualité. Après une longue dévalorisation philosophique, morale, psychanalytique, l’odorat commence à investir de nouvelles places ou à réinvestir celles dont il avait été exclu. Notre époque qui accorde une grande attention au sensoriel et à l’émotion porte un vif intérêt à un sens relégué naguère au rang de parent pauvre. Les liens étroits de l’odorat avec l’intuition, l’émotion et la sensualité lui permettent d’envisager un avenir plein de promesses s’appuyant à la fois sur sa revalorisation et sur une exploitation novatrice des fragrances dans le domaine médical, pénitentiaire, marketing, culturel etc…. Héritiers de Darwin et de Freud, nous avions tout récemment encore l’idée d’un sens archaïque qu’il fallait refouler pour vivre en société. Odeurs et parfums participent aujourd’hui, de façon reconnue, au bien-être de l’homme et à sa connaissance du monde.

Olfaction, the sense of the future. Despised yesterday, olfaction is up to date to day. After a long philosophical, moral, psychoanalytic, scientific, devaluation, olfaction begins to invest new areas or to invest again areas from which it has been excluded. Our time that grants a large attention to sensorial and emotion has a big interest for olfaction, a sense considered as inferior yesterday.Its narrow links with intuition, emotion and sensuality, its revaluation and a new exploitation of smells, open to olfaction a brilliant future. Heirs of the ideas of Darwin and Freud, we thought olfaction was an archaic sense that we mut obliterate to live in society. Smells ans fragrances participate to day to the well beeing of humanity and to the knowledge of the world.


©  PARFUM ET MUSIQUE

La relation entre le parfum et la musique a toujours existé mais c’est au XIX e siècle,   lorsque avec l’introduction des molécules de synthèse dans la parfumerie, le compositeur de parfum revendique son travail comme artistique, que cette relation va s’affirmer. Harmonie olfactive et musicale se répondent. Le parfum comme la musique traduisent et provoquent des émotions. Comme la musique, le parfum se déroule dans le temps et comme le musicien, le parfumeur cherche des « accords » et compose sur son « orgue à parfum » à partir de « notes ».


©  L’ODEUR DE LA PESTE

Synonyme d’une fin effroyable, la peste a, de l’Antiquité jusqu’à la découverte du bacille pesteux par Yersin à la fin du XIX e siècle, été pensée en relation avec la putridité et les mauvaises odeurs. Ceci explique que l’aromathérapie soit durant cette longue période au cœur de la lutte contre le fléau. Feux odorants, pommes de senteurs, pilules aromatiques anti-pestilentielles ont été les armes dérisoires opposées à l’épidémie. C’est encore à des « parfumeurs de peste » que l’on confie la tâche de désinfecter les maisons, les animaux et les personnes au moyen de parfums « forts », « médiocres » ou « doux ». Témoignages de ce combat inégal, les précieux pomanders d’orfèvrerie du Moyen-Âge et de la Renaissance, réceptacles de boules de pâtes parfumées, les pots à thériaque contenant une panacée à base d’aromates et de chair de vipère, les délicates vinaigrettes accueillant une éponge aromatisée, les gants parfumés ou encore le fameux costume de peste imaginé par le médecin de Louis XIII, Charles Delorme, avec son masque aux yeux de cristal et son long bec d’oiseau rempli d’aromates. Tous renvoient à des temps où l’on est convaincu que « toute la vertu des médicaments ne consiste que dans la communication de l’odeur ou d’un certain parfum »..

Le parfum est omniprésent à cette époque au point que dans toute l’Europe on parlera de Versailles,  au siècle suivant, comme de « La Cour parfumée  » .


©  GEORGE SAND, Un grand écrivain olfactif à la croisée du parfum et de la musique.

George Sand est universellement connue comme romancière et féministe mais c’est aussi une très grande olfactive, très concernée   par les rapprochements entre le parfum et la musique. Elle a célébré les chemins creux fleuris d’aubépine, mais elle est en même temps une femme sulfureuse qui a défrayé la chronique parisienne en s’habillant en homme et en fumant la pipe et le cigare. Plus tard, dans sa propriété de Nohant, organisé comme un véritable cénacle parfumé et où elle reçoit les écrivains, les peintres et les musiciens les plus célèbres de son temps, elle écoutera Chopin en respirant les roses de son rosarium. Dès l’enfance, sa vie fut placée sous le signe des odeurs. Lorsqu’elle raconte ses amours et ses passions, les notations odorantes sont constamment au premier plan. Elle-même se surnommera avec humour « Piffoël », allusion à son nez un peu long qui fera le bonheur des caricaturistes.


©  REVOLUTION ET EVOLUTION DES PARFUMS CHRISTIAN DIOR 

Lancé en 1947 dans la fièvre de l’après-guerre, de l’existentialisme, du jazz, des soirées de Saint Germain des Prés, de l’accession au vote des femmes, présenté dans une amphore en cristal de Baccarat qui symbolise les lignes corolles des jupes virevoltantes, des corsages cintrés et le tailleur « Bar » de la fameuse collection New Look, Miss Dior est une véritable révolution dans le monde de la parfumerie. En osmose avec sa couture, Christian Dior qui avait « du nez » et qui percevait bien l’esprit de son époque, conçoit ses parfums comme les armes d’une reconquête de la suprématie du luxe français. Quelle a été l’évolution de cette marque prestigieuse ?


©  POUR UN PATRIMOINE OLFACTIF

Le rôle du pays de Grasse dans la reconnaissance artistique du parfum. En janvier 2012, a eu lieu un événement considérable pour le monde de la parfumerie. Le Ministère de la Culture « se mettait au parfum » et organisait dans la galerie de Valois une exposition consacrée aux parfumeurs en même temps qu’il décorait plusieurs d’entre eux de l’Ordre des Arts et Lettres. Une grande satisfaction pour ces créateurs méconnus, devant cette première reconnaissance officielle du caractère artistique de leur activité. Après avoir mis le pied dans ce haut lieu de la politique culturelle, il leur reste encore à obtenir le bénéfice de la propriété littéraire et artistique qui protège, en principe, toute création de forme mais qui leur est toujours refusé par la cour de Cassation. On constate pourtant à l’heure actuelle une implication de plus en plus fréquente des parfums dans le domaine des arts et de la vie culturelle en général avec une multiplication des créations polysensorielles. Par ailleurs, à une époque de mondialisation de la parfumerie, le Pays de Grasse, réuni autour d’une tradition ancestrale, se maintient toujours   au premier rang dans le domaine des recherches sur les produits naturels, reconduisant ainsi l’inventivité reconnue des praticiens grassois. Autant de raisons qui justifient l’initiative du sénateur maire de Grasse, Jean-Pierre Leleux,   qui souligne la rareté des territoires qui véhiculent «  tant de magie, tant de subliminal, tant de messages et tant d’affectif » et l’action de l’association Patrimoine Vivant du Pays de Grasse qui a pour ambition de porter Les savoir-faire liés au Parfum en Pays de Grasse, la culture des plantes à parfum, la connaissance des matières premières naturelles et leur transformation, et l’ art de composer le parfum,au Patrimoine Culturel Immatériel de la France puis de l’Humanité. Une mise en lumière qui ne peut que favoriser la reconnaissance juridique de la création en parfumerie.


©  PARFUM, ART ET SCIENCE

Le parfum n’est-il qu’un produit de consommation plus ou moins luxueux ou s’élève-t-il au rang d’une oeuvre d’art ? La parfumerie est-elle une science, un art ou un simple « savoir faire » ? Ces questions ont suscité des réponses très contrastées liées au statut philosophique de l’odorat. Une chose est certaine : tout au long de son histoire, le parfum a été en étroite corrélation avec la science, les techniques et les arts. Ainsi l’apparition de la distillation entraîne une profonde transformation du parfum, tandis que l’imbrication étroite de la parfumerie et de la pharmacie retentit pendant des siècles sur les traitements médicaux et connaît des prolongements actuels surprenants (olfactothérapie pratiquée à l’hôpital de Garches). De même la synthèse des molécules aromatiques au XIX e siècle a des répercussions considérables sur le métier de parfumeur. Dans la période la plus récente, la parfumerie apparaît toujours en prise directe avec l’évolution technique et scientifique (culture dans l’espace, head space, parfums aux phéromones). La reconnaissance du parfum comme oeuvre d’art et de sa protection par le droit d’auteur suscitent aujourd’hui encore d’âpres controverses. Ce qui est certain, c’est que le parfum a toujours entretenu des rapports étroits avec les arts et la culture. Que ce soit à travers l’art du flaconnage, celui de la peinture, ou l’intégration de la dimension olfactive dans de nombreuses manifestations culturelles contemporaines. Ce nouvel élan pris par l’olfactif participe à la restauration d’une fonction indispensable à la plénitude sensorielle et au bien-être de l’Homme.


©  PARFUM ET AMOUR

La psychanalyste Françoise Dolto avait bien vu l’importance des odeurs dans la relation amoureuse puisqu’elle conseillait de demander aux gens qui envisagent de se marier : « est-ce que vos odeurs s’accordent ? ». Les odeurs jouent, en effet, un rôle essentiel dans la communication entre les êtres car l’odorat a des rapports privilégiés avec la sexualité et les zones du cerveau impliquées dans les émotions et l’affectivité. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’odorat a longtemps été considéré comme un sens dangereux. Le parfum, tout comme l’odeur du corps, est étroitement impliqué dans les relations affectives. Il exalte certains composants des émanations corporelles et y ajoute ses qualités propres.


©  VIN, PARFUM, CHAMPAGNE

Si les parfums égyptiens, grecs ou romains ont une base huileuse, ils font aussi appel au vin d’oasis, aux délicates fleurs de vigne ou encore au verjus. Et inversement, les vins servis dans les banquets antiques sont aromatisés de safran, d’iris, de myrrhe qui leur communiquent chaleur et sensualité. (…) La distillation alcoolique, constamment perfectionnée, permettra aux parfumeurs de mettre au point des senteurs de plus en plus raffinées. Il est remarquable que l’Eau de Cologne soit née au moment même où le célèbre Dom Pérignon faisait faire au vin de champagne des progrès décisifs qui allaient lui valoir une renommée universelle. Au XVIII e siècle, les bulles légères et fantasques de ce vin et les fragrances fraîches et revigorantes des Eaux de senteurs deviennent les symboles d’une époque éprise de bel esprit, de galanterie et de grâce.


©  L’ESSOR DU COSTUME PARFUMÉ AUX XVII E ET XVIII E SIÈCLES

Le parfum, dès l’Antiquité, sert non seulement à parfumer les corps et les chevelures mais aussi à parfumer le vêtement et ses accessoires pour marquer le statut social, séduire et accentuer l’élégance. Mais à partir de l’arrivée en Europe de la grande peste de 1347, le parfumage du costume se fait essentiellement dans un but prophylactique. Opposer aux mauvaises odeurs, aux miasmes, vecteurs de maladies et d’épidémies, un écran parfumé devient une préoccupation majeure qui atteint son apogée aux XVII e et XVIII e siècles. Aussi ne faut-il pas s’étonner que les gants, les perruques, les éventails, les ceintures, les boiseries, les « toilettes » soient parfumés. Une gravure du Musée Carnavalet de la fin du XVII e siècle représentant un habit de parfumeur, illustre l’extraordinaire variété des produits aromatiques proposés. Le vêtement disparaît totalement sous un échantillonnage complet d’essences, de poudres, de pommades, d’eaux de senteur, de pastilles et de sachets odorants, qui y sont accrochés. En guise de coiffure, le personnage porte même un brûle-parfum fumant posé sur sa perruque. Entouré d’un halo aromatique l’aristocrate peut, plus tranquillement, descendre dans la rue.