« LE PACTE DES PARFUMES » Par Annick Le Guérer
La parfumerie occidentale a ses racines dans celle du monde gréco-romain qui est fille de la parfumerie égyptienne. Considérés comme les maîtres incontestés de cet art, les Égyptiens l’ont profondément marqué de leur empreinte. L’ « anti », parfum primordial est pour eux la « sueur des dieux » le « sang du Christ » et c’est la science des embaumeurs qui assure le passage du défunt dans une autre vie en faisant de lui un « parfumé ».
Le parfum était doté de très grands pouvoirs : sacrés, préventifs, curatifs, magiques, séducteurs. Les pratiques et traditions qui font ressortir la fonction apaisante et pacificatrice du parfum sont innombrables.
Dès la plus haute antiquité, les parfums résineux brûlés sur les autels étaient censés apaiser le courroux des dieux. Les volutes d’encens s’élevant vers le ciel établissaient la communication entre les divinités et les hommes.
Le mythe grec de la panthère parfumée dont la bonne odeur attire les autres animaux a même été repris et détourné par le christianisme. Pour les bestiaires médiévaux, le Christ surnommé le « oint », le « parfumé » est la « nouvelle panthère » dont la parole odorante attire tous les peuples de la terre pour leur apporter la paix.
Et c’est encore cette fonction d’harmonie qu’assume le parfum dans d’autres religions, notamment le bouddhisme : celui qui perçoit les milliers de senteurs du Paradis de Bouddha est réputé accomplir des actions dignes de lui.
Au Moyen-Orient, la pratique traditionnelle qui consiste à asperger d’eau de rose ou de fleur d’oranger l’étranger qui arrive dans la maison est destinée à l’intégrer olfactivement et symboliquement à la famille. Les bonnes relations diplomatiques ont longtemps accordé une place éminente au parfum.
C’est la reine de Saba qui embaume Jérusalem d’une profusion de senteurs lorsqu’elle rend visite au roi Salomon. C’est le calife Haroun Al- Rachid qui envoie à Charlemagne les plus précieux parfums de Bagdad. C’est encore le roi Baudoin de Jérusalem qui fait parvenir à l’empereur Frédéric Barberousse les fameuses pommes de senteurs qui connaîtront un succès considérable en Occident.
Dans nos sociétés modernes souvent marquées par la violence des rapports humains, le parfumage d’espaces publics comme les parkings vise au-delà du confort olfactif à faire baisser l’agressivité ambiante. Les mêmes pouvoirs sont invoqués dans les relations humaines. On sait que l’odeur de la mère joue un rôle apaisant primordial sur le nouveau-né au point que, s’il en est privé, il peut développer des troubles émotionnels et cognitifs intenses.
Mais s’il ne fallait retenir qu’une pratique symbolique du pouvoir pacificateur accordé au parfum, je choisirais sans doute celle « du pacte des parfumés » en usage chez les Arabes préislamiques : en plongeant leurs mains dans le parfum, les participants s’engageaient solennellement à des relations pacifiques.