Contrairement aux médecins qui pendant des siècles se sont servis de leur odorat pour diagnostiquer les maladies (« Le médecin doit être l’homme aux narines bien mouchées », affirmait Hippocrate), la plupart des philosophes, des psychiatres et des psychanalystes ont eu sur ce sens un regard négatif. Très lié à la sexualité, il a été considéré comme animal, inapte à la connaissance et contraire à la civilisation. Quelques philosophes, psychiatres et psychanalystes comme Nietzsche, Sandor Ferenczi, Hubertus Tellenbach se sont insurgés contre ce discrédit et ont mis en évidence toutes les potentialités de ce sens.
LE NEZ DES MEDECINS
Le parfum, depuis l’Antiquité jusqu’à Pasteur, était un médicament qui protégeait des maladies et des épidémies, de la peste en particulier (« empester » ne signifie-t-il pas : dégager de mauvaises odeurs ?). Aujourd’hui les parfums rentrent à nouveau dans le domaine de la santé (cf l’hôpital de Garches où l’on rééduque les malades sortis d’un coma pour leur redonner du langage en leur faisant sentir des odeurs).
- Le traitement olfactif de la peste. Conçue pendant des siècles comme une mauvaise odeur, la peste a donné lieu jusqu’au XIX e siècle à de nombreux parfums censés la combattre.==>LIRE LA SUITE
- La thérapie par les odeurs et les parfums
- Hygiène et parfums
- Quand le parfum portait remède
- Des hommes et des plantes qui soignent
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LE NEZ DES PHILOSOPHES
- Olfaction et Connaissance. Contrairement à Nietzsche qui déclarait « Tout mon génie est dans mes narines », la majorité des philosophes ont considéré l’odorat comme un sens impropre à la connaissance. Un point de vue qui commence aujourd’hui à être infirmé.
- Les philosophes ont-ils un nez? Pour beaucoup de philosophes, l’odorat est un sens du besoin, primitif, archaïque, davantage au service du plaisir sensuel que de la connaissance et incapable de donner naissance à un art. Platon et Aristote estiment, par exemple, qu’il procure des plaisirs moins purs, moins nobles, que la vue et l’ouïe, Kant le juge inutile et ingrat, Hegel et Bergson l’excluent de la sphère esthétique. Pour réhabiliter l’odorat, Nietzsche choisit d’exalter son animalité.
LE NEZ DES PSYCHIATRES ET DES PSYCHANALYSTES
Dans la tradition des philosophes et de Darwin, les psychiatres ont considéré l’odorat comme un sens animal et dangereux pour la société. Le fondateur de la psychanalyse aura le même point de vue. L’effacement de ce sens était nécessaire au développement de la civilisation. Selon lui, nos lointains ancêtres avaient un odorat très développé quand ils marchaient à quatre pattes (ayant le nez plus près du sol), mais ensuite, quand ils se sont redressés, l’odorat s’est effacé, ce qui a permis le développement de la famille. Néanmoins, Freud ajoutait que cet effacement de l’odorat avait lésé notre aptitude au bonheur.
The psychoanalyst’s nose L’histoire de l’odorat dans la psychanalyse porte le sceau originaire du refoulement
L’Odorat, un sixième sens ? in A fleur de peau, Paris, Belin, 2003. Mais c’est précisément parce que notre odorat est proche du flair animal qu’il est particulièrement intéressant. Cela le rend apte à la saisie de données extrêmement fines, prérationnelles, celles de l’indicible qui se dégage d’un être, d’une chose, d’un lieu, d’une situation. Ce sens, pauvre en vocabulaire propre, établit un rapport fusionnel avec le monde et livre non seulement les substances mais aussi les ambiances, les climats, les vécus existentiels. Pour Nietzsche, par exemple, le « flair » est un véritable instrument d’investigation psychologique et morale. Ses liens avec l’instinct en font l’arme du psychologue qui se guide de façon intuitive et dont l’art ne consiste pas à raisonner mais à subodorer. L’importance de ce « flair » prélinguistique n’a pas échappé à certains psychiatres et psychanalystes. Le cas de malades qui répandent, lorsqu’ils sont dans un état de fureur refoulée, des odeurs très désagréables à la manière de certains animaux, sur la défensive, leur a montré toute l’importance sémiotique des odeurs. Elles peuvent évoquer, à la place des mots, des sentiments soustraits à la communication sociale. Au-delà de sa fonction première, l’odorat assume celle d’un « sixième sens » : celui de la connaissance intuitive dont rend compte le langage courant ( « avoir du nez », » bien sentir les choses »). L’Odorat, un sixième sens ? C’est précisément parce que notre odorat est proche du flair animal qu’il est particulièrement intéressant…==>LIRE L’INTEGRALITE